Elles sont de plus en plus nombreuses, les PME et ETI françaises à avoir recours aux fonds de capital-investissement, connus aussi sous le nom de private equity. Au-delà du financement pur, ces fonds accompagnent les équipes dirigeantes des entreprises et proposent des stratégies de développement et de transformation. Le capital-investissement a le vent en poupe. Dans l’Hexagone, ces fonds ont battu des records en 2021, selon France Invest, avec 41,8 milliards d’euros levés et 36 milliards investis. Les acteurs du private equity investissent dans les entreprises non cotées en bourse : « Ces entreprises peuvent être des startups, on parle alors de ‘venture capital’ ou des sociétés plus matures ayant déjà atteint le seuil de rentabilité, explique Yassine Rochd, fondateur d’Invest Prep. En investissant dans ces entreprises, les fonds de capital-investissement apportent un soutien financier aux entreprises, un réseau d’affaires et de l’aide dans toutes les phases de développement. Tous les fonds de ce type suivent un processus similaire : il s’agit d’abord pour eux d’identifier les entreprises prometteuses en termes financiers et de management, de lever des fonds auprès d’investisseurs institutionnels ou privés, d’investir dans les entreprises sélectionnées, puis d’accompagner ces dernières (entre 5 et 8 ans en moyenne) avant de revendre les parts du capital des entreprises ainsi développées, afin de réaliser une plus-value. Dans ce cycle vertueux, le plus important, pour les fonds comme pour les entreprises, c’est la phase de développement et d’accompagnement des managers.
Accompagner la réorientation des stratégies
Motivées par les directives européennes de plus en plus strictes en matière environnementale, de nombreuses entreprises recherchent de nouveaux partenaires pour accompagner leur développement et la transformation de leur gouvernance. Ainsi, « tous les projets passent désormais au filtre des critères ESG et certains dossiers se retrouvent moins attractifs qu’ils n’auraient pu l’être il y a encore six mois ou un an », avance la présidente de France Invest, Claire Chabrier. Les performances purement financières ne suffisent plus, comme le précise Nicolas Kandel, partenaire du cabinet CMI : « Les critères sociétaux et environnementaux deviennent des éléments clés distinctifs dans l’attractivité d’une entreprise, des atouts par rapport aux concurrents. Là où, avant, il y a avait l’audit financier, l’audit stratégique et l’audit ESG chacun de son côté, aujourd’hui, tous se rejoignent. On réfléchit à l’impact en tant que levier stratégique. ». Parmi les fonds de private equity français, Ardian, le leader du marché avec un portefeuille de 141 milliards d’euros se focalise pleinement sur ces enjeux environnementaux. « Ardian a investi dans Kersia en novembre 2016, se souvient son président Sébastien Bossard, entrepreneur spécialisé dans les solutions contre la contamination pathogène des aliments. L’objectif était assez simple : créer un leader international sur le domaine de la sécurité des aliments. Nous avons toujours fait de la RSE, mais ce qu’Ardian a apporté, c’est de poser des indicateurs sur des actions qu’on ne savait pas mesurer. Ensuite d’ouvrir d’autres pistes d’actions RSE pour le futur. Chez nous, à Kersia, nous devons réinventer nos solutions pour s’adapter au changement climatique. On va passer d’un modèle qui était basé à 100% sur la chimie à un modèle qui va être doté de la chimie, de biotechnologie, mais également de digital. Ardian nous a permis deux choses : d’acquérir des entreprises dont nous avions besoin pour ce programme de sustainability, et de nous ouvrir à un réseau d’experts spécialistes des domaines d’activité dans lesquels on doit progresser. » En 2020, Ardian cédait sa participation dans Kersia, alors valorisé à près d’un milliard d’euros, à IK Investment Partners. À noter qu’en 2021, peut-être influencés par la crise sanitaire du Covid-19, les secteurs de la santé et de la tech ont été les plus prisés par les fonds de capital-investissement.
Favoriser les synergies d’entreprises
L’arrivée des fonds de private equity au capital des entreprises ciblées permet aussi une restructuration des groupes et la création de synergie entre les équipes. C’est par exemple ce qui est arrivé à l’European Digital Group (EDG) lors de la prise de participation du fonds de private equity, Montefiore Investment. « Notre vision a été de monter un nouvel acteur dans l’accélération digitale, composé d’ultra spécialistes, dans chaque levier pour créer une offre globale à destination des grands groupes, des ETI et des PME, détaille Vincent Klingbeil, CEO et fondateur d’EDG. C’est exactement ce que l’on a fait en s’associant avec des entrepreneurs. Des groupes se créent à partir de build-ups [ndlr : création de croissance externe suite à l’acquisition d’autres entreprises]. Notre particularité est d’avoir réussi à créer des synergies entre nos différentes sociétés. Sachant que tous les fondateurs restent actionnaires de leur société, mais sont également associés au sein du groupe, cela favorise le partage de leads et de bonnes pratiques. » Les fonds de private equity cherchent en effet, en permanence, à donner de la cohésion à leurs investissements, gage de stabilité et de renforcement de leurs activités dans tel ou tel secteur économique. Par exemple, l’entrée en 2020 d’Ardian au capital de Wintics, une entreprise française spécialisée dans l’intelligence artificielle et la mobilité urbaine, ne doit rien au hasard. Cet investissement entre dans une politique de groupe gagnant-gagnant. « Nous avons toujours été impressionnés par ce que la technologie de Wintics a à offrir et par le savoir-faire et le leadership dont ses fondateurs ont fait preuve, souligne Mathias Burghardt, responsable de l’activité infrastructure d’Ardian. Nous avons l’intention de mettre à profit notre partenariat afin de créer des synergies stratégiques avec les entreprises de notre portefeuille. La technologie de Wintics est en effet essentielle dans notre vision des infrastructures augmentées. » Ce qui est bon pour une entreprise peut donc être bon pour le groupe.
Financer le monde de demain
Comme nous l’avons vu précédemment, les financements d’entreprises, tous types confondus, sont de plus en plus fléchés vers les investissements durables et vers des secteurs en pleine expansion grâce à la digitalisation. Dans le domaine des infrastructures augmentées de la ‘smart city’ de demain, de nombreuses entreprises se sont positionnées pour attirer les investissements des fonds de private equity. C’est le cas par exemple de l’entreprise française Acoem, spécialisée dans la surveillance environnementale urbaine (air, bruit, vibration) qui s’est fixée comme objectif, d’ici 2026, de doubler son chiffre d’affaires. Pour atteindre son objectif, Acoem a eu recours au fonds de capital-investissement iXO Private Equity qui a conseillé au chef d’entreprise de chercher des solutions hors des frontières hexagonales pour améliorer son offre de produits. Acoem a ainsi acquis une entreprise américaine, Met One Instruments, en pointe dans la mesure des particules fines présentes dans l’air que nous respirons. « Nos programmes d’investissement nous permettent de proposer un projet d’entreprise ambitieux pour devenir leader sur nos deux piliers Smart City et Smart Industry », se réjouit le PDG d’Acoem, Fabien Condemine. Les fonds de capital-investissement ont plus d’une corde à leur arc, entre accompagnement managérial, conseil en stratégie ou internationalisation. Avec, comme finalité dans toutes ces aventures entrepreneuriales, l’objectif de revendre leurs participations dans les entreprises ainsi développées et transformées. Les investisseurs confiant leur argent à ces fonds, de plus en plus nombreux ces dernières années, ne s’y trompent pas : d’après le cabinet d’audit EY, le taux de rentabilité des fonds de private equity sur 15 ans s’établit à 12,2% contre 5,1% pour les actions du CAC40. Une valeur sûre donc.